ActualitésAssemblée nationaleCommission d'enquête Uber Files

Quatrième série d’auditions de la commission d’enquête Uber Files : La Cour de cassation du côté des travailleurs et le scandale de Getir !

La quatrième série d’auditions de la commission d’enquête parlementaire sur les Uber Files a eu lieu le mercredi 15. 

Audition de la Cour de cassation : 

Nous avons commencé par auditionner la Cour de cassation par l’intermédiaire de M. Jean-Michel Sommer, président de la chambre sociale, de M. le doyen de chambre Jean-Guy Huglo, et de Mme la doyenne Christine Capitaine, conseillère à la chambre sociale. 

L’audition de la Cour de cassation était d’autant plus opportune qu’elle venait tout juste de rendre un arrêt “Bolt” confirmant l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 février 2021 qui avait condamné cette plateforme et requalifié le statut d’un chauffeur en salarié. Après les arrêts “Teak Eat Easy” de novembre 2018, d’”Uber” de mars 2020, de janvier et maintenant de mars 2023, la Cour de cassation construit patiemment une jurisprudence confirmant l’existence d’un lien de subordination qui lie les chauffeurs et les livreurs aux plateformes nécessitant de requalifier leur statut en salarié. Le président de la chambre sociale nous a ainsi expliqué que la qualification de la relation contractuelle par la Cour ne repose pas sur les termes du contrat, quand bien même celui-ci stipule le statut d’indépendant. Les juges de la Cour de cassation s’appuient au contraire sur les conditions effectives dans lesquelles l’activité professionnelle est exercée. Par la méthode dite du “faisceau d’indices” (désactivation d’un compte, le choix des horaires de travail, le libre choix de l’itinéraire, des clients, le port d’une tenue imposée, etc), les juges sont amenés, au cas par cas, à vérifier si la nature de la relation contractuelle repose sur un lien de subordination ou non. La jurisprudence de la Cour de cassation est ainsi de plus en plus confirmative puisque d’arrêts en arrêts, le pouvoir des plateformes de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements est soulevé. Cette définition du lien de subordination nous permet de faire la différence entre les plateformes jouant simplement un rôle de mise en réseau (telle que Doctolib par exemple), et celles exerçant véritablement un rôle d’employeur utilisant des travailleurs faussement indépendants. 

Audition de la plateforme Getir

Ensuite, nous avons  auditionné M. Nicolas Musikas, directeur général de Getir France. Getir est une entreprise de livraison de courses alimentaires à domicile créée en 2015 en Turquie. En s’appuyant sur de petits entrepôts situés en ville, elle propose des livraisons en “quasi 10 minutes”, voire en “quelques minutes”. Getir a la particularité d’avoir mis en avant sa volonté de proposer un modèle alternatif aux autres plateformes en proposant à ses livreurs d’être salariés en CDI. Getir entre ainsi sur le marché français avec 5 000 promesses d’embauches dans un contexte de croissance rapide, notamment à la suite de la pandémie, ce qui lui permet de réaliser des levées de fonds massives (768 millions de dollars en mars 2022 portant sa valorisation boursière à 12 milliards de dollars). Seulement, les promesses d’embauches n’ont pas du tout été réalisées puisque Getir n’a recruté que 1 700 personnes en CDI en France. Surtout, une enquête de Médiapart a révélé que des licenciements à tour de bras ont été effectués par la plateforme puisque plusieurs centaines de salariés de la plateforme ont été licenciés depuis mai 2022 au point de descendre à 900 salariés fin juillet 2022. Getir a ignoré sciemment les obligations prévues par le code du travail étant donné qu’aucun plan de licenciement ni plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – pourtant obligatoire dans ces cas-là – n’ont été effectué. Sans scrupule aucun, les cadres dirigeants de Getir ont proposé aux salariés de les licencier pour faute grave afin de déroger aux obligations liées au licenciement pour motif économique ! Lorsque j’ai demandé à M. Musikas des explications notamment au regard du fait qu’ils n’ont procédé à aucun remplacements des départs attestant en réalité de la nature économique de ces licenciements, celui-ci a prétexté le “laxisme de la gestion des ressources humaines”, et que les licenciements pour faute graves étaient motivés par les “comportements violents de livreurs drogués”… Si laxisme il y a eu, c’est celui qui concerne l’application du droit du travail ! Getir avait par ailleurs touché 200 000 euros en 2021 et 1 million d’euros en 2022 d’aides à la création d’emplois pour personnes en difficulté !

Qu’elles soient ouvertement illégales ou qu’elles prétendent salarier leurs travailleurs, les plateformes trouvent toujours des moyens pour marcher sur l’Etat de droit afin de précariser par milliers ces derniers ! Par ailleurs, en tant que rapporteure j’ai pu demander à Getir de transmettre à la commission d’enquête tout échange pouvant avoir eu lieu avec des décideurs publics visant à modifier les législations ou réglementation. Affaire à suivre.

Audition de la Cour de cassation
Audition de Nicolas Musikas, DG France de Getir

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *