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Troisième série d’auditions de la commission d’enquête Uber Files : Comment Uber braque la République et comment Macron l’encourage !

La troisième journée d’auditions de la commission d’enquête parlementaire sur les Uber Files a eu lieu le jeudi 9 mars. 

Nous avons de nouveau auditionné les représentants du syndicat Union-indépendants affilié à la CFDT à leur demande, afin qu’ils puissent préciser leur rôle au sein de l’ARPE ainsi que les revendications qu’ils y défendent. Puis, nous avons entendu Jérôme Giusti, avocat et co-directeur de l’Observatoire Justice et Sécurité de la Fondation Jean Jaurès, ainsi que Kévin Mention, avocat spécialiste en requalification de contrat. Nous avons pu aussi auditionner Jean-Yves Frouin, président de la chambre sociale de la Cour de cassation entre 2014 et 2018, auteur du rapport publié en 2020 intitulé “Réguler les plateformes numériques de travail” chargé de formuler des propositions concernant les travailleurs des plateformes numériques en matière de statut, de dialogue social et de droits sociaux. Enfin, nous avons auditionné la Direction générale du travail (DGT) à travers son directeur général Pierre Ramain, et sa directrice générale adjointe Annaïck Laurent. La DGT assure la fonction d’autorité centrale pour les agents de l’inspection du travail relevant du ministre en charge du travail.

  1. Les méthodes d’Uber pour organiser le braquage de la République

Maître Giusti a été le premier à avoir eu accès aux documents de Mark MacGann, et a engagé de nombreux contentieux contre Uber pour obtenir la requalification de ses chauffeurs en salariés devant le Conseil des prud’hommes de Paris (CPH), ainsi que devant la CNIL concernant le non-respect du règlement sur la protection des données (RGPD) par Uber. Il a ainsi pu nous révéler les preuves qu’Uber adopte une stratégie ouvertement illégale pour développer son activité, et l’érige même selon Giusti, en “principe de fonctionnement” : emails ordonnant de “tuer l’accès maintenant” à leurs documents lors des enquêtes menées par la DGCCRF, des pratiques d’espionnages des concurrents, des notes internes reconnaissant leur pratique de travail dissimulé, etc. 

De sorte que cette multinationale représente parfaitement l’idéologie néolibérale à son paroxysme. Dans son esprit start-up, le droit et la loi représentent une contrainte dont il faut se débarrasser, et singulièrement du droit du travail perçu comme un frein à “l’innovation”, à la “flexibilité”, et à la “croissance”. Le passage en force d’Uber a été si massif qu’on parle aujourd’hui d’ “ubérisation de la société” désignant par-là, l’arrivée des plateformes à d’autres secteurs d’activités proposant des services à des prix moindres effectués le plus souvent par de faux indépendants plutôt que des salariés. Maître Mention a illustré ce phénomène de précarisation croissante qui concerne des milliers de travailleurs aujourd’hui : la plateforme Staffme se vante ainsi d’avoir des “caissiers auto-entrepreneurs”, d’autres plateformes proposeraient des “aides-soignants auto-entrepreneurs” et la Poste elle-même a recours via sa filiale Stuart à des auto-entrepreneurs et une cascade de sous-traitants. Elle a par ailleurs été condamné pour prêt de main d’oeuvre illicite !  

  1. Les manquements de la République face à ce braquage

Que fait la République face à cette offensive des plateformes au modèle ouvertement illégal et qui ne cesse de gagner du terrain ? S’il faut saluer le travail des inspecteur-ices du travail ayant réussi à faire condamner Deliveroo après un travail titanesque de recueil de milliers de données, la réponse de la Direction générale du travail à cette question lors de son audition est pour le moins inquiétante. L’Inspection du travail fait face à une baisse de leurs effectifs les empêchant de mener à bien de tels contrôles nécessitant des moyens humains importants. Plus aberrant encore, aucune impulsion nationale n’a été formulée par le ministère du Travail et la Direction générale du travail afin de lutter contre le travail dissimulé organisé par Uber. La situation est d’autant plus alarmante que des inspecteurs du travail mais aussi de l’Urssaf ont témoigné à Maître Giusti avoir subi des pressions empêchant de mener à bien les procédures qu’ils ont menées à l’encontre de la multinationale. 

  1. L’ubérisation est le résultat d’un choix politique

Aucune fatalité ne saurait expliquer les manquements de l’Etat à faire respecter la loi. Tout au contraire, il faut retenir des Uber Files ce qui les ont rendu possible : la complicité active de l’ex-ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, ayant toujours encouragé le développement de l’ubérisation. Son gouvernement montre l’intesification de son soutien à cette délinquance lorsque, par l’intermédiaire du ministre du Travail O. Dussopt, celui-ci fait appel d’une décision du tribunal administratif de Paris qui avait pourtant enjoint l’Inspection du travail d’enquêter sur Uber pour travail dissimulé. 

L’audition de Jean-Yves Frouin nous montre que le parti-pris explicite du gouvernement pour Uber ne date pas d’hier. Son rapport intitulé “Réguler les plateformes numériques de travail” réfute les orientations privilégiées du gouvernement qui consistaient à réfléchir sur l’opportunité de la création d’un tiers-statut. Tout au contraire, il souligne les avantages sur lesquels aboutirait la présomption de salariat et met en avant que celle-ci “n’est pas l’hypothèse de travail des pouvoirs publics ayant initié cette mission”. Insatisfaite de cette conclusion, Elisabeth Borne alors ministre du Travail, désigne ce qu’elle nomme une “task force”  afin d’aboutir sur une mission conforme aux orientations de la macronie : 1. organiser le dialogue social entre des travailleurs faussement indépendants, 2. encourager l’instauration d’une alternative au salariat à travers la proposition de “tiers-statut”. Pour y arriver, rien de tel que de nommer à la tête de ce groupe de travail, Bruno Mettling, qui n’est autre que “le principal auteur de la contribution d’Uber lors de la mission Frouin” selon un article de L’Humanité publié le 9 mai 2022. Quel conflit d’intérêt ! 

On le voit, si Uber a pu s’implanter illégalement aussi facilement en France, et si l’ubérisation colonise de plus en plus de secteurs d’activités, la responsabilité passée et présente en revient entièrement à E. Macron et son gouvernement qui adhèrent à l’idéologie de cette entreprise et ne cessent de promouvoir ses intérêts ! 

Retrouvez le troisième épisode de la série sur la commission d’enquête !

2 réflexions sur “<strong>Troisième série d’auditions de la commission d’enquête Uber Files : Comment Uber braque la République et comment Macron l’encourage !</strong>

  • L’article est très bon jusqu’aux derniers chapitres. Les conclusions sont hâtives d’autant plus que les plateformes de livraisons se sont implantées partout. Ce n’est pas un problème franco-français.
    A l’époque, qu’avez-vous fait pour éviter l’implantation de Uber, Deliveroo ou JustEat ? Rien.

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    • On sent qu’au lieu de défendre le taxi qui s’est fait voler, lfi vole aux secours des vtc devenus des pauvres travailleurs précaires…

      Ils ont volé une profession et on plaint les voleurs?
      Et une député européenne qui s’affiche avec un pseudo représentant de chauffeurs…

      Bref une farce.

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