Logement social : n’attendons pas les travaux Plan Climat pour entretenir les logements !
J’ai d’abord une petite émotion, une émotion particulière pour cette délibération qui concerne le 30 rue des Partants, dans le 20e. J’ai failli y naître. Mes parents habitaient là, mais ils ont dû déménager quand ma mère était enceinte, et c’est touchant de se retrouver sur une délibération qui me rappelle que mes parents m’ont tant parlé de ce tout petit appartement, où, dans la même bassine, ils faisaient de la terre glaise pour leur sculpture, car ils sont sculpteurs, et la toilette de mon frère et de ma sœur. Mais ce n’est pas pour vous raconter ma vie que je vous parle de cela.
Cette délibération et beaucoup d’autres qui se suivent font partie des nombreuses délibérations présentées à ce Conseil de Paris dans le cadre des opérations de rénovation “Plan Climat” et je voudrais, en même temps que je vous parle de ces délibérations, vous présenter le vœu rattaché que je défends, le vœu n° 32, sur ces réhabilitations thermiques des logements sociaux.
D’abord, sachez que sur bon nombre de ces adresses, les bâtiments qui font l’objet de ces réhabilitations sont des logements sociaux marqués par beaucoup de problèmes de vétusté. Et là, franchement, il y a de quoi être en colère. Mes chers collègues, vous dirigez la Ville depuis 20 ans, vous dirigez les principaux bailleurs sociaux de la Ville, Paris Habitat, R.I.V.P., Elogie-SIEMP. Il faut rappeler que la vétusté dans les logements sociaux, bien souvent, est le fruit d’un manquement des bailleurs à leur devoir. Un bailleur social a l’obligation d’entretenir les bâtiments, d’entretenir les logements pour garantir la pleine jouissance du locataire qui paie ses loyers, et ce, quelle que soit la catégorie de logement social dans laquelle il vit. Qu’il s’agisse de P.L.A.-I., de PLUS ou de P.L.S., le locataire a le droit à une pleine jouissance du bien locatif.
Or, dans bon nombre de ces bâtiments – pas dans tous, je ne dis pas dans tous les logements sociaux mais dans un bon nombre d’entre eux -, bâtiments qui font l’objet de plans de rénovation, les locataires se plaignent d’humidité, de moisissures, d’infiltrations d’eau, de ventilation défaillante, de remontées d’eaux usées du fait de canalisations non entretenues, avec des situations catastrophiques. Quand vous avez de l’eau usée des toilettes de tout l’immeuble qui arrive dans un appartement, vous imaginez le traumatisme ? Pour avoir déjà visité des appartements confrontés à ce problème, je sais que c’est un véritable cauchemar. Chauffage défaillant par manque d’entretien, air froid qui passe par les fenêtres mal changées ou non changées depuis des années, pannes d’ascenseur récurrentes, infestation de rats, souris, cafards, punaises de lits. Voilà tous les problèmes liés, non pas à la question de la réhabilitation “Plan thermique”, mais à la vétusté et au déficit de maintenance des bailleurs.
Par conséquent, rappelons, et c’est ce que rappelle le vœu rattaché, l’obligation des bailleurs à assumer les travaux d’entretien en cours de bail et de ne pas attendre qu’arrive enfin un Plan Climat, un plan de réhabilitation thermique pour bénéficier de financements et faire ces travaux qui auraient dû être faits depuis longtemps.
Je vous le dis, vous avez des locataires qui alertent sur les problèmes de vétusté, et on leur dit : “Dans 1 an, 2 ans, 3 ans, 5 ans, il y aura le plan de réhabilitation thermique. Ne vous inquiétez donc pas, on fera les travaux.” Mais il n’est pas acceptable de laisser des locataires dans des habitations dont le bailleur n’assume pas ses obligations. Premier problème.
Deuxièmement, il faut absolument associer bien plus en amont les locataires dans l’ensemble de ces réhabilitations thermiques. Cela veut dire quoi, les associer bien plus en amont ? Ce ne sont pas simplement des réunions de concertation où on expose ce qui est prévu. Cela veut dire qu’on transmet les diagnostics thermiques et techniques avant de décider des travaux. Avant de décider des travaux. Et, comme le précisait lors d’un précédent Conseil de Paris notre collègue Jacques BAUDRIER, quand bien même, lors de la concertation, ce sont des cabinets d’audit extérieurs, indépendants qui effectuent les présentations des travaux choisis.
Par ailleurs, je voudrais aussi revenir là-dessus, il ne faut pas qu’il y ait de chantage : “Vous acceptez les travaux tels qu’on les a prévus, ou bien il n’y aura pas de travaux.” Parce qu’il y a quand même un trouble, et les locataires m’ont rapporté ceci : avec Paris Habitat et en vertu du pacte d’amélioration des cadres de vie, on fait voter les locataires sur les plans de réhabilitation thermique, mais, grosso modo, on leur dit : “Soit vous votez pour et ce sera comme cela, soit il n’y aura pas de travaux.” Eh bien non. Si les locataires ne sont pas d’accord, on reprend la discussion et on essaie d’entendre et de voir quels sont les travaux spécifiques qu’ils estiment être prioritaires, et on engage une discussion pour voir s’ils ont raison, s’ils ont tort et si de nouvelles études techniques peuvent être associées.
Troisième chose, pas de hausses de loyer. Pas de hausses de loyer. Vous savez que la loi Energie Climat de 2019 autorise, en fait, des hausses de loyer à travers la troisième ligne, après travaux, sous prétexte que les travaux de réhabilitation thermique permettent des baisses de dépense d’énergie. Je pense qu’il est essentiel que la Ville s’engage à ce qu’il n’y ait pas d’augmentations de loyer. Je n’ai pas pu éplucher toutes les délibérations mais, en en lisant certaines, je n’ai pas réussi à comprendre s’il y avait bien cet engagement à une absence de hausse de loyer. J’avoue que si, moi, j’ai du mal à m’y retrouver, je n’ose pas imaginer comment des locataires peuvent s’y retrouver. Il est d’autant plus essentiel qu’il n’y ait pas de hausses de loyer qu’on voit bien que, dans ces travaux, bien souvent, on est face à des travaux surtout de lutte contre la vétusté.
Quatrième chose, il y a un problème sur la logique des financements. Visiblement, les financements dépendent des labels et des certificats d’énergie, ce qui peut, finalement, amener à ce que les bailleurs et la Ville puissent être encouragés à faire de la pose de V.M.C., de ventilations mécaniques contrôlées, collectives, car cela permet d’obtenir les certificats d’énergie et peut enclencher un certain nombre de financements. Or, il ne faut pas que la nature des travaux dépende des financements, mais que la nature des travaux réponde aux besoins les plus urgents, immédiats sur la vétusté et sur les questions énergétiques du bâti.
Maintenant, du coup, j’en arrive à cette délibération, qui est juste après, sur la rue Olivier-Métra. C’est intéressant, cette délibération. Au 36-40 rue Olivier-Métra, on est sur des bâtiments en brique rouge des années 1930 qui ont la même configuration que les bâtiments en brique rouge que vous pouvez avoir dans le quartier Plaine-Lagny, près de la porte de Vincennes côté 20ème, mais aussi côté 12e arrondissement. Et là, cela fait deux ans qu’un collectif H.B.M. de locataires se mobilise sur ces logements, en ayant acquis une grande expertise, et c’est vrai qu’on a des populations qui ne sont pas les mêmes. Je peux vous dire que sur l’ensemble rue Olivier-Métra, on est face à des habitants qui sont déjà souvent dans des situations très difficiles d’un point de vue social, qui doivent combattre dans des situations de précarité, qui subissent, par ailleurs, des problèmes de vétusté et il est donc plus difficile pour eux d’être disponibles et disposés à appréhender l’ensemble des problématiques techniques de la réhabilitation thermique. Sur le côté bas du 20e, quartier Plaine, où on était sur des loyers libres mais qui ont été reconventionnés, les locataires, en deux ans de lutte, ont acquis, eux, une grande expérimentation, une grande expertise de ces problèmes et il serait fort utile de bien plus les écouter.
Ce que je voudrais vous dire, c’est que, dernièrement, des ingénieurs, Alain BORNAREL, cofondateur du bureau d’études bioclimatiques Tribu, de l’Institut pour la conception écoresponsable du bâti, président du Mouvement pour une frugalité heureuse et créative, Mégane REY, architecte, et Raphael PAUSCHITZ, un autre architecte, de la revue “Topophile”, sont venus et ont fait une visite sur ces bâtiments en brique rouge, pour justement essayer d’analyser ce qu’il en était. Et ce qui est très intéressant, c’est qu’ils entendent l’argumentaire des locataires, qui ne porte pas simplement contre les travaux d’installation d’une V.M.C., mais aussi contre d’autres travaux de réfection et d’entretien prioritaires. Et que disent-ils, ces ingénieurs et architectes ? Que l’expertise des locataires H.B.M. est un atout considérable pour les bailleurs, parce qu’ils ont acquis une analyse empirique de la situation.
Mais ce qui m’intéresse le plus de vous dire dans le temps qui m’est imparti, c’est que sur le fond précisément, l’installation de V.M.C. dans ces groupes ne se justifierait ni d’un point de vue hygiénique, ni du point de vue des économies d’énergie. En effet, les V.M.C. hydroréglables n’augmentent pas la quantité de renouvellement d’air et sont insuffisantes en période chaude et sèche, et leur installation est d’ailleurs inutile dans ces H.B.M. qui sont ventilées naturellement. D’ailleurs, on voit l’absurdité de la délibération qui nous est présentée, car, dans l’exposé des motifs, on nous parle de l’usage de la ventilation naturelle “géniale” dans ces bâtiments extrêmement bien pensés et, dans le programme, on réimpose une V.M.C.
Les V.M.C. proposées fonctionnent vraisemblablement en simple flux, ce qui ne permet aucune économie de chauffage. De plus, l’installation d’équipements et de tuyauteries nécessiterait sur le long terme un nombre élevé d’opérations d’entretien – quand on voit le problème de l’entretien des bailleurs, on a peur. En l’occurrence, la vraie urgence est de réaliser des travaux de réfection des canalisations d’eaux usées, des chéneaux, voire d’étanchéification des toitures et des descentes d’eau pluviale.
Je vous renverrai l’ensemble de cette petite note-rapport, car je vous invite à repenser véritablement ces…
Mme Danielle SIMONNET.- …installations et travaux. J’en ai terminé, mais vous comprendrez qu’en l’état, je m’abstiendrai sur ces délibérations et j’estime que l’urgence écologique est si essentielle…
Mme Danielle SIMONNET.- …qu’il faut penser vraiment les travaux…
Mme Danielle SIMONNET.- …que nous faisons.