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Quand Uber achète des économistes !

🔎 6ème épisode de la série #UberFiles ! Découvrez comment des économistes ont été payés (très cher) par Uber pour servir de caution scientifique à son modèle ! 📊💸

Dans cet épisode, je reviens sur l’audition de trois économistes qui ont été cités dans les Uber files. Il s’agit d’Augustin Landier, David Thesmar, et Nicolas Bouzou. Les deux premiers ont réalisé une étude économique cosignée par un employé d’Uber, M. Daniel Szomoru, et publiée en mars 2016, avec mention du fait qu’il s’agit d’une commande de la société. Cette étude décrit le profil des chauffeurs travaillant avec Uber en France en s’appuyant sur des statistiques fournies par le gouvernement, des sondages et des données anonymisées fournies par Uber. Comme on pouvait s’y attendre pour une étude dont les résultats doivent être conformes aux attentes de la commande, Augustin Landier et David Thesmar ont soutenu que le développement d’Uber était très favorable à l’emploi, en particulier de jeunes exclus du marché traditionnel de l’emploi. Leur étude aurait aussi démontré que les chauffeur de la plateforme gagneraient près du double du smic. Pour arriver à ce résultat, les auteurs auraient choisi de ne pas comptabiliser les chauffeurs ayant délaissé l’application et de maquiller qu’il s’agit d’un résultat brut ne prenant pas en compte les charges des chauffeurs : achat ou location de véhicule, carburant et assurances. Alors que ces économistes défendent la rigueur “scientifique” de leur étude, celle-ci a fait l’objet d’un accord de confidentialité leur interdisant de partager les données transmises par Uber. Dès lors, cette étude ne peut être contestée dans ses méthodes ou ses interprétations par la communauté scientifique, ce qu’une tribune de 70 économistes publiée en 2020 sur la plateforme Medium n’a pas manquée de souligner. Comme ils s’en défendent, pourquoi exiger l’application des normes scientifiques en vigueur à une étude qui ne prétend pas relever de la recherche académique ? Pourtant, c’est précisément ce qu’Uber a cherché à acheter : de la notoriété scientifique afin de légitimer son modèle économique auprès de l’opinion et des décideurs publics. Dans les Uber files, la volonté des cadres et des lobbyistes d’Uber est très claire : ” Ce dont nous manquons cruellement en France actuellement, c’est précisément de preuves scientifiques ou académiques soutenant nos arguments ” ; ” Le message-clé, c’est l’emploi. (…) Nous utiliserons le rapport de Landier à toutes les sauces pour obtenir un retour sur investissement “. Cet exemple illustre à quel point l’endogamie entre une partie de la communauté des économistes et des milieux d’affaires est un des piliers de l’idéologie néolibérale lui permettant de garantir son hégémonie. À ce titre, la commission d’enquête relative aux Uber files dont je suis la rapporteure fera des recommandations pour lutter contre ces pratiques et permettre enfin, la séparation des lobbies et de l’Etat ! En attendant, je vous laisse découvrir dans la vidéo combien ces économistes ont été payés pour défendre leurs propres idées !

Sur la commission d’enquête Uber files

La commission d’enquête a été créée par la Conférence des présidents du 24 janvier 2023 au titre du droit de tirage attribué au groupe La France Insoumise en vertu de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale (Benjamin Haddad, président et Danielle Simonnet, rapporteure). La proposition de résolution tendant à la création de la commission d’enquête s’appuie sur l’enquête du consortium international des journalistes d’investigation – l’ICIJ – intitulée “Uber files” : s’appuyant sur 124 000 documents internes à l’entreprise américaine datés de 2013 à 2017, cette enquête a dénoncé un lobbying agressif de la société Uber pour implanter en France, comme dans de nombreux pays, des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) venant concurrencer le secteur traditionnel du transport public particulier de personnes réservé jusqu’alors aux taxis. Dans ce contexte, la commission d’enquête a : D’une part, pour objet d’identifier l’ensemble des actions de lobbying menées par Uber pour pouvoir s’implanter en France, le rôle des décideurs publics de l’époque et d’émettre des recommandations concernant l’encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d’intérêts ; D’autre part, pour ambition d’évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales du développement du modèle Uber en France et les réponses apportées et à porter par les décideurs publics en la matière. Elle devra remettre son rapport dans le courant du mois de juillet 2023.

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