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Rencontre avec la “Halte Aide aux Femmes Battues” : vite, un milliard contre les violences !

Avec Alice Garrez, militante qui anime des groupes de parole pour femmes dans le 20e arrondissement, et co-cheffe de file avec moi dans la 15e circonscription de Paris pour l’Union populaire, je rencontrais ce matin la HAFB, association du 20e arrondissement qui héberge et accompagne des femmes victimes de violences. 

L’association comprend à la fois un foyer qui permet l’hébergement dans des appartements dans le diffus des femmes avec leurs enfants, le temps qu’elles se reconstruisent, et un accueil de jour (ESI) où des femmes victimes de violences ou en situation de grande précarité peuvent venir en journée, se doucher, laver leur linge, se reposer, participer à des activités, prendre leur courrier et être accompagnées dans leur reconstruction, dans la déconstruction de l’emprise qu’elles subissent très souvent, mais aussi dans les démarches pour trouver un emploi ou un logement. Si 1.000 femmes au total sont domiciliées dans ce lieu (c’est-à-dire qu’elles y reçoivent leur courrier), elles sont 60 à 70 chaque jour à passer dans la structure d’accueil de jour. L’association tient également des permanences sans rendez-vous (en journée les lundis, mardi et mercredi de 13h à 15h, et en soirée les lundis, mercredis et vendredis de 18h à 20h30 et le samedi de 14h à 17h – 17 rue Mendelssohn – Paris 20e), où chaque femme victime de violence peut se rendre afin d’être accompagnée et mise à l’abri, ainsi que des permanences psychologiques (le vendredi de 13h à 15h).

La présidente et la directrice de l’association nous ont exposé les difficultés qu’elles subissent, du fait du manque de moyen et de prise en compte de leurs besoins par les pouvoirs publics :

  • Leur premier problème est celui des locaux. L’association est divisée en deux sites, l’un pour le foyer et l’autre pour l’accueil de jour, ce qui rend le travail au quotidien très compliqué. Le manque d’espace est flagrant : par exemple l’entrée de la douche est située juste à côté de la porte d’entrée sur rue de l’accueil de jour, alors qu’un sas serait nécessaire pour permettre l’intimité des femmes. L’association a un besoin urgent de nouveaux locaux qui lui permettent de regrouper ses activités sur un seul site, et d’avoir davantage d’espace. A quelques dizaines de mètres des locaux de l’association, a lieu le grand projet de réaménagement de la Porte de Montreuil. La Ville a-t-elle cherché, en faisant ce projet, à lister les besoins dans le quartier, et notamment à y assurer de nouveaux locaux adaptés aux besoins de cette association ? Madame Hidalgo assure à longueur de passages médias que la lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité pour elle. Si ces promesses devaient être suivies d’effet, cette association aurait à coup sûr été associée dès le départ à l’élaboration du projet qui aurait été pensé en fonction de ces besoins, et de ceux des riverains. Au lieu de cela, ce projet a fait l’objet d’un concours “Réinventer Paris” invitant les opérateurs privés à s’éclater sur la parcelle en inventant le projet qui leur permet la plus grande rentabilité. Et l’association, dont la mission est pourtant si prioritaire, reste sans perspective concrète de locaux adaptés. Gouverner selon les besoins, comme le propose Jean-Luc Mélenchon, c’est aussi inverser cette logique pour faire des projets urbains et de toutes les politiques publiques des outils au service des habitant.es et non des promoteurs et investisseurs privés.
  • Le deuxième problème qu’elles rencontrent est un manque d’effectifs et de moyens. Certaines missions fondamentales, comme par exemple le suivi en lien avec le 115 des mises en sécurité de femmes qui ont besoin d’un hébergement en extrême urgence pour le soir même, ne sont pas financées et sont donc assurées par l’équipe sur son temps de travail en plus de toutes leurs autres missions. Il n’y a que 3,5 équivalents temps plein de travailleurs sociaux, alors qu’environ 3.000 femmes au total passent dans le lieu chaque année.
  • Une troisième difficulté qu’elles rencontrent, est celle du nombre de places, qui est très insuffisant par rapport aux besoins. Les places dans le foyer sont peu nombreuses, les financements insuffisants et calculés au rabais. Ainsi, il n’y a au total que 42 places dans les 9 appartements, répartis dans le diffus, que compte le centre d’hébergement. Ce nombre inclut les enfants, si bien que très peu de femmes au total peuvent être hébergées, avec une durée de suivi et d’accompagnement de deux ans en moyenne. On pourrait croire que la promesse de Monsieur Macron de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes la “grande cause du quinquennat” aurait amélioré les choses ? Ça n’est pas le cas. Les effets d’annonce ne sont pas suivis d’effet, et s’avèrent n’être que des coups de comm’ : ainsi par exemple, le gouvernement a lancé un appel à projet pour la création de 1.000 places d’hébergement, mais en ne finançant pour ces places que l’hébergement et pas l’accompagnement, pourtant indispensable pour les femmes concernées par les violences. 
  • Enfin, dernier besoin marquant, celui d’une revalorisation salariale des travailleurs sociaux : liée par une convention collective peu avantageuse, la structure ne peut augmenter les salaires qui sont très bas, et a donc beaucoup de mal à recruter. La plupart des salariés de l’association ont d’ailleurs une autre activité à côté afin de s’assurer un salaire décent. Alors qu’un poste est vacant depuis plusieurs mois, la structure ne parvient pas à recruter, comme de nombreuses structures dans le secteur médico-social. Une revalorisation conséquente des salaires dans ce secteur est plus qu’urgente !

Tous ces retours très concrets, ces difficultés rencontrées sur le terrain par cette association ne font que confirmer l’urgence d’attribuer enfin 1 milliard d’euro supplémentaire chaque année à la lutte contre les violences faites aux femmes, comme le demandent les associations féministe, engagement repris par Jean-Luc Mélenchon dans son programme. Ce milliard permettra de mettre en place un véritable plan de lutte contre les violences faites aux femmes (à lire en détail ici), en prévoyant notamment : 

  • d’accompagner la révélation des faits et l’accès aux droits (campagnes d’informations, financement de dispositifs d’accueil, d’orientation et d’accompagnement, augmentation des moyens des permanences téléphoniques, formation des personnels de la sécurité et de la santé, permanences d’intervenants sociaux dans les commissariats)
  • d’améliorer la mise en sécurité des femmes victimes de violences (création de 40.000 places d’hébergement en centres dédiés et spécialisés, mise à disposition de 1.500 téléphones grand danger et bracelets anti-rapprochement)
  • d’accompagner la phase judiciaire (formation des personnels, aide juridictionnelle, création d’un pôle judiciaire de lutte contre les violences intrafamiliales au sein des juridictions, avec des magistrat·es et des officier·es de police judiciaire spécialement formé·es)
  • d’accompagner les femmes jusqu’à la sortie effective et durable des violences (développement de dispositifs d’accès aux soins en psycho-traumatologie, type Maison des femmes de Saint-Denis)

L’engagement et les actions menées par des associations comme la HAFB sont magnifiques. Il est plus qu’urgent que les pouvoirs publics les soutiennent réellement, cessent de compter seulement sur leur dévouement et de les forcer à mener la lutte contre les violences avec si peu de moyens. C’est à la mise en place de telles politiques publiques que nous devons nous atteler, pour gagner enfin la bataille contre le patriarcat et tout le continuum des violences qu’il impose à toutes les femmes.

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