Décembre 2026.
C’est la date limite jusqu’à laquelle le gouvernement a pour transposer la directive européenne du 14 octobre 2024 sur les travailleurs des plateformes, un texte européen fondamental à l’heure de l’ubérisation et de la casse organisée du salariat.
Le travail de plateforme concernait, en 2023, quelque 600.000 travailleurs sous statut d’auto-entrepreneurs payés à la tâche sans qu’aucune plateforme ne prenne ses responsabilités en matière de prévention des risques professionnels, du versement des cotisation sociales, de possibilité d’une représentation syndicale ou tout simplement du respect d’un salaire minimum.
Si les chauffeurs VTC, les taxis et les livreurs ont été les premiers à subir le modèle des “plateformes numériques de travail”, celles-ci pullulent aujourd’hui dans tous les secteurs de l’économie. On en trouve dans le tourisme, le BTP-bricolage, le déménagement, l’enseignement de la conduite motorisée, les aides-soignants, les agents de ménage, la restauration, le secteur funéraire, et bien d’autres encore.
Après plusieurs années de négociations au niveau européen, cette directive vient finalement mettre un terme à cette dérégulation généralisée et représente une rare fenêtre de progrès social.
Une fenêtre que la France d’Emmanuel Macron pourrait volontairement refermer. Si celle-ci est tenue d’appliquer la directive d’ici décembre 2026, elle pourrait ne pas le faire et gagner quelques années ou le faire sans en respecter l’esprit, avant que des recours ne viennent la condamner.
Nous nous sommes donc réunis à la maison des coursiers de Paris avec des syndicalistes, juristes, collectifs et travailleurs uberisés, ainsi qu’avec Leila Chaibi, eurodéputée insoumise impliquée dans la bataille pour cette directive, et mes collègues sénateurs Pascal Salvodelli (Communiste) et Olivier Jacquin (Socialiste), pour travailler ensemble à une transposition ambitieuse (car oui, la France doit transposer à minima, mais elle peut aller beaucoup plus loin).
Nous nous sommes accordés sur les exigences que nous posons :
- une présomption de salariat effective et efficace sans aucune alternative permettant aux plateformes d’échapper à leurs obligations d’employeurs ;
- l’inversement de la charge de la preuve (de salariat) incombant aux plateformes : si les plateformes contestent que leurs travailleurs leur sont subordonnés, à elles de démontrer que ce sont de vrais indépendants.
- la requalification systématique du faux statut d’indépendant en salariat, avec contrat de travail, interdiction de rupture du contrat par clic et rétroactivité des droits à la protection sociale ;
- le contrôle des conditions de travail par une autorité nationale compétente, soit l’inspection du Travail actuelle ;
- la régularisation des travailleurs sans papiers et l’extension des preuves de travail en France aux factures d’auto-entrepreneurs ;
- la transparence de la gestion algorithmique des travailleurs, avec droit de regard des organisations syndicales ;
- l’arrêt des décisions automatisés quand elles ont une importance pour le travailleur.

