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Les ambiguïtés d’Hidalgo sur la laïcité et le monde des affaires

Ce samedi, sur BFM face à la journaliste Ruth Elkrief, Anne Hidalgo a déclaré qu’elle ne pourrait voter Jean-Luc Mélenchon du fait de ses ambiguïtés républicaines. Elle a taclé également le groupe EELV, pourtant dans sa propre majorité. La maire de Paris n’a pourtant aucune leçon républicaine à donner, elle qui ne cesse de piétiner la laïcité et de brader Paris au profit du monde des affaires. 

On passera sur son procédé qui l’a conduite à enchaîner dans une même tirade les soit disantes ambiguïtés du candidat de la France insoumise, sa dénonciation de Franco et son attachement aux droits des femmes, tellement tout cela transpire d’une malhonnêteté intellectuelle.  Idem dans son procès d’intention à l’encontre des écologistes qui n’ont pas voté contre le vœu relatif à Samuel Paty (Nous avons, en ce début de séance du Conseil de paris où s’est déroulé ce vote numérique, été plusieurs élu;es à être intervenus en faveur mais empêchés de voter du fait des difficultés de connexion). L’anathème est lancé : la maire socialiste se croit incarner une telle autorité en matière de défense des principes républicains que ses distributions d’étiquettes d’ambiguïtés n’ont pas besoin d’explications. J’entends donc dans cette note rappeler à quel point, au contraire, elle accumule les ambiguïtés. Au point d’incarner finalement une certaine cohérence politique, bien plus libérale que républicaine. 

C’est d’abord en plein bras de fer contre la loi sécurité globale de Darmanin que la maire de Paris, qui laisse planer sa possible candidature à la Présidentielle, choisit de tacler à tour de bras. Alors que plus d’une centaine d’associations, ainsi que l’ONU dénoncent les attaques aux droits fondamentaux des citoyen.nes et la normalisation de la surveillance généralisée de toutes et tous de la loi sécurité globale, la maire de Paris Anne Hidalgo, sans honte, s’est félicitée du vote permettant la création de la police municipale à Paris (incluse dans la loi Sécurité Globale) ! Face à Jean-Jacques Bourdin quelques jours plus tôt, elle n’avait même pas été capable de critiquer l’article 24. Quelle terrible ambiguïté républicaine que de ne pas défendre la liberté d’informer ! Sans le droit de filmer les policiers, combien de violences policières seraient restées dans l’invisibilité ? Par ailleurs le droit à la sûreté et à la sécurité doit toujours relever de la fonction régalienne de l’Etat (ce qui exige une politique de refondation de la police nationale : formation, fin de la politique du chiffre, etc.)  Notre République est une et indivisible et le droit à la sûreté ne doit pas varier selon les politiques menées localement ! La surenchère sécuritaire dans le débat politique et médiatique sur les missions et l’armement de cette future police municipale est plus qu’inquiétante pour nos libertés et procède de fait de terribles ambiguïtés républicaines !  Que l’on comprenne bien la gravité de la période, notre pays est en train de basculer dans un régime autoritaire. Au moment où le Président Macron, s’en référant qu’à son conseil de défense, piétine le Parlement, la Maire de Paris, elle, n’a pas hésité, toujours au nom du Covid, à piétiner la démocratie en restreignant le droit d’intervention des élu.es au précédent Conseil de Paris, au mépris du Code général des collectivités territoriales…Je n’ai été autorisée à présenter qu’un seul voeu et je n’ai pu intervenir sur l’ensemble des délibérations qui me posaient problèmes, ne disposant que de 2 minutes de temps de parole par commission qui regroupaient plus de 50 délibérations ! Terrible ambiguïté face aux règles démocratiques !

Anne Hidalgo peut-elle prétendre incarner une exemplarité dans le combat laïque quand elle participe au printemps dernier, en tant que Maire, à la bénédiction de la capitale et de ses habitant.es par l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, le jour de Jeudi saint pour les catholiques, qui plus est depuis l’esplanade de la basilique du Sacré-Coeur sur la butte Montmartre ? Un. élu.e républicain.e n’a pas à participer en tant qu’élu.e à ce genre de cérémonies religieuses ! “La république ne reconnaît ni ne finance aucun culte”, c’est la base. Faut-il par ailleurs rappeler aux socialistes la signification historique contre révolutionnaire de ce monument qui symbolisait l’expiation de la Commune de Paris et de toutes les révolutions depuis 1789, qui avait annoncé les lois de 1905 en proclamant le 2 avril 1871 : « Considérant que la liberté de conscience est la première des libertés ; (…) Art 1er l’Église est séparée de l’État Art 2 Le budget des cultes est supprimé (…) » ? Elle entend l’ériger en monument historique, mais loin de souhaiter transmettre toutes les mémoires du lieu, elle prétend vouloir faire œuvre de “réconciliation mémorielle” entre Versaillais et Communards. Quelle ambiguïté que cette conception pseudo républicaine libérale qui ne cherche qu’à effacer que notre République est le fruit de révolutions et reste un idéal inachevé. 

Est-il acceptable que depuis 2001 la majorité se refuse toujours de solder l’héritage légué par la droite et poursuive le financement de crèches confessionnelles Loubavitch et des crèches gérées par les associations familiales catholiques (AFC) connues pour leur orientation intégriste, pour un montant de près de 2,5 millions d’euros par an ? N’est-ce pas un complet piétinement de la loi de 1905 que d’avoir usé de la confusion entre le cultuel et le culturel pour créer et financer l’Institut des cultures d’Islam et sa salle de prière, le centre européen du judaïsme dans le 17ème dont sa synagogue, le temple bouddhiste dans le bois de Vincennes ou encore un Temple protestant pourtant hors inventaire des édifices religieux antérieurs à 1905 et ne relevant pas de la responsabilité municipale ?  

La laïcité ne saurait être interprétée comme une équité de traitement des religions, permettant d’arroser un peu tout le monde. Surtout qu’en la matière, l’égalité est très loin d’être démontrée. L’abaissement de l’âge à 3 ans de l’instruction obligatoire dans les écoles publiques et privées imposée par la loi Blanquer va ainsi permettre à l’Eglise Catholique sur Paris d’encaisser plus de 6 millions d’euros par an. La maire de Paris a-t-elle engagé le moindre combat ? Aucun. Pire, l’exécutif parisien se vante d’avoir négocié avec le diocèse pour atterrir in fine à une hausse du forfait communal versé aux écoles privées, pour laquelle les élu.es n’ont eu aucune explication…. 

Concernant les ambiguïtés d’Anne Hidalgo avec le monde des affaires, on ne sait par quoi commencer. Alors qu’elle était adjointe de Bertrand Delanoë en charge de l’urbanisme, c’est elle qui a bradé le centre commercial des Halles, le “ventre de Paris”, à Unibail tout en faisant porter sur la collectivité les travaux. C’est encore Unibail qui tirera profit de la future contestée et contestable tour triangle. Une indemnisation de 263 millions d’euros sera concédé à Viparis, filiale d’Unibail gérant le parc des expositions en dédommagement de la partie impactée pour la fondation de la future tour, alors que c’est précisément Unibail qui en profitera ! Corruption ou incompétence ? Après avoir été épinglée par la Cour des comptes, le parquet national financier a été saisi. 

Avec Jean Louis Missika, qui fut son adjoint chargé de l’urbanisme jusqu’à la dernière mandature, de nombreux projets ont permis aux intérêts privés de faire de Paris leur terrain de jeux. C’est que le macroniste convaincu dès la 1ère heure est arrivé en fonction à la mairie de Paris pour son carnet d’adresse. Ses grandes amitiés pour Xavier Niel l’ont conduit dans une grande générosité à céder la halle Freyssinet bien en dessous de son prix pour que le patron de Free réalise sa station F, grand incubateur à start-ups. Sous couvert de “Réinventer Paris”, les spéculateurs-promoteurs ont pu bénéficier de prix avantageux sur le foncier parisien, un placement si rentable. 

Mais avant lui, c’est l’ancien adjoint (et toujours conseiller de Paris), Christophe Girard, que Mme Hidalgo définissait en juillet dernier comme son “ami” et qu’elle a fait applaudir avec le préfet Lallement par une grande majorité du Conseil de Paris, qui a servi de lien entre la famille politique socialiste parisienne et le milieu des affaires, en commençant par les ami.es de Bernard Arnault de LVMH. Comme il ne faut pas faire de jaloux, après les largesses municipales vis-à-vis de ce dernier dans les concessions du Bois de Boulogne (Jardin d’Acclimatation et Fondation Vuitton), la ville s’est attachée à bien régaler son premier concurrent, François Pinault. Chaque milliardaire se devant d’avoir sa fondation d’art contemporain dans la capitale, un arrangement est trouvé pour que la Fondation Pinault puisse ouvrir dans l’ancienne Bourse du Commerce. La ville n’hésitera pas d’ailleurs à y mettre 63 millions d’euros…

Il n’y a pas que le foncier qui est bradé, nombre de services publics le sont également. Ainsi, les parkings municipaux, sous couverts de délégations de services publics, tombent un à un sous l’exploitation du groupe Indigo, ex Vinci Park pour un bénéfice net pouvant monter jusqu’à 40 millions d’euros par an. Le contrôle de la verbalisation du stationnement a lui aussi été privatisé en totalité et une partie revient à l’entreprise Streeteo. Velib’ n’a pas non  plus été municipalisé et revient à Smovengo. Simple hasard ? Streeteo et Smovengo sont des filiales d’Indigo pour qui Paris est un véritable Jackpot… 

En pleine crise sanitaire et hospitalière, la maire de Paris se refuse toujours de revenir sur le projet élaboré avec la direction de l’AP-HP pour privatiser un tiers de l’hôpital parisien le plus ancien de France pour en faire notamment, des commerces, des start-up de santé et un restaurant gastronomique ! Situé en face de Notre Dame, les prédateurs privés sont forcément en appétit ! Le promoteur Novaxia qui avait déjà sévi sur l’ancienne Poste du Louvre pour la transformer en un hôtel de luxe 5 étoiles, a récupéré l ‘affaire pour 80 ans et 144 millions d’euros. Ce qui revient à 7,5€ du m2 par mois alors que le prix du marché serait plus proche des 30€. Pour les bornes électriques, après le fiasco du marché avec Bolloré, c’est à l’entreprise Total qu’Anne Hidalgo en confie l’exploitation, elle qui s’était opposée au sponsoring du plus grand pollueur pour ses futurs JO….

L’ambiguïté politique vis-à-vis des intérêts privés a conduit la maire de Paris à privatiser jusqu’aux crématoriums parisiens, celui du Père Lachaise et le futur de la porte de Pantin au profit de la société Funecap. L’assistant de maîtrise d’ouvrage choisi pour l’étude des offres fut une société se vantant d’avoir Funecap comme principal donneur d’ordres… Choix ambigu de la maire de Paris ? Si un service public doit être impérativement protégé des intérêts privés, pour tout.e élu.e républicain.e conséquent, n’est-ce pas précisément celui qui s’occupe de nos morts, de nos dernières cérémonies d’adieux ? 

Loin de toute exhaustivité, impossible pour moi de terminer cette note sans faire référence à cette terrible ambiguïté d’Anne Hidalgo qui l’a conduit à voter pour une convention avec Lafarge pour récupérer son sable pour Paris plages en juillet 2016. 15 jours auparavant Le Monde avait pourtant révélé que le géant du ciment et du sable n’avait pas hésité à financer Daech et à mettre en danger ses salariés pour poursuivre l’exploitation d’une de ses cimenteries en Syrie, territoire alors occupé par les djihadistes… Et quelques temps plus tard, bien que s’engageant pour les matériaux de l’écoconstruction, la Ville a validé le permis de construire pour que la cimenterie, pourtant polluante, de Lafarge quai de Javel puisse multiplier par deux sa capacité de production de béton !

Décidément, Anne Hidalgo est une experte en ambiguïtés. A moins que ses orientations soient finalement assez claires, car clairement libérales et de ce fait fort peu républicaines. 

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